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Shanu Sherwani | Partner | Antwort Capital

"Le private equity est pour les entreprises financées, un accompagnement, un actionnaire investi — au sens premier du terme. En résumé, le private equity finance aussi bien l’activité que le risque."

Vous apportez régulièrement des éclairages sur le private equity, quels sont les grands enseignements de ces dernières années ?

Dans le passé, les fonds de Private Equity étaient uniquement dédie à des investisseurs institutionnels dont les montants minimaux des investissements se calculaient toujours en plusieurs millions de dollars.

Il a toujours été difficile pour les investisseurs non institutionnels d'accéder au private equity en raison de la liquidité et de la taille minimale des investissements. Cette situation est en train d’évoluer grâce à un nombre important de transactions futures. Ainsi, les fonds de private equity élargissent leur base d'investisseurs et réduisent les frais pour les rendre plus accessibles.

Dorénavant les General Partners (GP) vont se concentrer davantage à élargir la base des investisseurs au-delà des « super fonds ». Il leur faudra cibler non plus seulement les particuliers fortunés et les family offices, mais également les investisseurs particuliers.

Lorsque vous regardez les structures de fonds typiques, elles ont des horizons temporels très longs et nécessitent un montant en investissement très important. L'investisseur type pour ce type de fonds était donc de grandes institutions telles que des fonds de pension de retraite ou des fonds souverains. Ce que nous avons vu cependant au cours des deux dernières années, c'est émerger un autre type d’investisseur issu notamment de la fortune privée, ou des family offices et même de certains véhicules de distribution aux investisseurs particuliers qui rendent les marchés privés plus accessibles.

Le private equity peut ajouter de la diversification à un portefeuille en tant qu'allocation alternative et peut offrir des rendements plus élevés, avoir une volatilité plus faible sur une période prolongée et il est souvent non corrélé avec les rendements des indices de marché.

Ces douze derniers mois ont été plutôt prolifiques, mais perpétuer un tel track record sera-t-il aussi aisé sur les prochaines années ?

Les placements alternatifs resteront populaires en 2022 et même au-delà et ils ne concerneront pas seulement les investisseurs institutionnels à la recherche de rendements avantageux. Alors que le marché européen du private equity anticipe une année sous de bons auspices, les membres du secteur restent réalistes quant aux risques qui pourraient enrayer la reprise encore fragile de l'économie mondiale.

Le private equity devient de plus en plus populaire parmi les investisseurs particuliers et fortunés à la recherche de rendements supérieurs à ceux du marché boursier. Les fonds de private equity ont un horizon de 15 ans de TRI de 12,5%, passant à 21,3% en 2020, selon le rapport sur la performance des fonds mondiaux de Pitchbook, tandis que le S&P 500 a rapporté environ 9,7% par an. Les gestionnaires de patrimoine recherchent de plus en plus de nouveaux moyens pour ces groupes d'investisseurs afin de leur faire accéder aux marchés privés. La structuration des fonds permet en effet un éventail plus complet d'investissements.

Selon la ventilation annuelle des PE européens 2021 de Pitchbook, le flux des transactions en 2022 sera soutenu par de grandes quantités de capitaux disponible et des marchés de la dette robustes. Cependant, il est peu probable qu'il dépasse le record de l'année dernière, qui totalisait près de 755 milliards d'euros (environ 856 milliards de dollars) investis dans près de 7 200 transactions.

Des variables externes telles que la hausse de l'inflation et les effets potentiels des nouvelles souches de coronavirus ou de la guerre en Urkraine font partie des défis qui pourraient affecter les investisseurs en private equity et leurs portefeuilles en 2022. Cependant, les marchés des capitaux publics et privés devraient continuer de croître en 2022, malgré le danger d'inflation dont on parle tant et la pression croissante qui en résulte sur les taux d'intérêt.

Le private equity est-il globalement moins exposé davantage aux mouvements de marchés et notamment au contexte Ukrainien ?

L’invasion de l’Ukraine par la Russie aura sans aucun doute des effets importants sur les chaînes d’approvisionnement mondiales dans les semaines et les mois à venir. L’impact probable sur les marchés énergétiques et alimentaires est bien connu. Cependant, je vois également un risque plus important de perturbation de la production mondiale dans divers secteurs. Outre les sanctions, la production de semi-conducteurs, d’automobiles et de médicaments pourrait être gravement affectée par la perturbation des activités commerciales en Ukraine. Ces dernières années, l’Ukraine s’est imposée comme un fournisseur essentiel de métaux et de matières premières.

La conclusion de transactions peut être entravée par l’incertitude, notamment en Europe de l’Est. Une vague de ventes paniques de la part des sociétés de private equity qui ont investi dans les pays d’Europe de l’Est, désormais plus proches d’une zone de guerre en raison de la crise, est peu probable. Toutefois, je pense que l’argent frais affluera moins dans la région et que certaines institutions la quitteront.La situation actuelle du marché fait qu’il est difficile pour les fonds investissant en Europe de l’Est de récolter les fruits de leurs investissements. Beaucoup plus de sociétés de private equity russes et est-européennes pourraient arriver sur le marché dans les années à venir.

Cependant, en tant qu’investisseurs à long terme, les investisseurs en private equity apprécient les performances sous-jacentes et le potentiel à long terme. En effet, une correction du marché peut présenter des opportunités d’achat intéressantes pour certains fonds. De plus, grâce à la capacité unique du secteur à générer de l’alpha, les sociétés qui y sont actives ont prospéré même pendant les récessions et les périodes de forte volatilité. Tout cela devrait aider le private equity à continuer à fournir de bons rendements et de bonnes performances dans les années à venir. Toutefois, il est essentiel de se rappeler que le private equity n’est généralement pas exposé aux secteurs cycliques.

Mais il a tout de même un rôle de support à jouer ?

Le private equity est pour les entreprises financées, un accompagnement, un actionnaire investi — au sens premier du terme. En résumé, le private equity finance aussi bien l’activité que le risque. Le premier intérêt du capital-­risque, c’est justement sa capacité d’aller repérer, accompagner et financer un certain niveau de risque, qui ne le sera pas par les banques. Le capital-risque va apporter des fonds propres, alors que le financement bancaire classique n’apportera que des dettes. Après une crise économique, le private equity joue donc un rôle clé dans la reconstruction.

Vous accordez une grande importance au rôle de levier en matière d'ESG, la prise de conscience est-elle pour autant partagée par les grands acteurs ?

Traditionnellement, les LP (investisseurs) se concentraient pour la plupart sur les rendements et ne se souciaient pas de l’ESG. Les LPs espéraient simplement que la composante ESG était correctement gérée. Comme mentionné, il y avait un sentiment que l'ESG et l'investissement durable entraînaient une performance inférieure à la moyenne ; que d'une manière ou d'une autre, il y avait un sacrifice intégré à prêter attention aux questions ESG. Aujourd'hui, les LPs sont plus conscients que ce n'est pas le cas et les GPs ayant une réelle expérience ESG peuvent obtenir des rendements attractifs ainsi que des rendements ajustés au risque plus élevé. De toute évidence, ce que nous avons vu dans les marchés émergents, c'est que l'impact, la durabilité et l'ESG ont une incidence plus important par rapport à des projets similaires dans les marchés développés. Je prévoie des exigences ESG plus élevées de la part des investisseurs en Europe et dans les régions ANZ (Australie, Nouvelle-Zélande et Asie-Pacifique). En effet, davantage d'investisseurs dans ces régions sont soumis à des engagements nets zéro, ont des fonctions ESG bien définies au sein de leurs organisations et adhèrent à des informations plus strictes découlant de la réglementation et des pressions sociétales.

Les considérations ESG ont « élevé la barre » pour les GP. Dans le monde d'aujourd'hui, il est difficile d'imaginer une présentation, une brochure ou un rapport annuel qui n'inclut pas une discussion sur l'ESG. À cette fin, il y a beaucoup de « greenwashing » en cours sur le marché. Il y a également de nombreuses discussions de soft marketing sur la gestion ESG. Les acteurs sérieux du secteur créent des moyens tangibles de signaler l'impact positif et l'ESG à leurs LP et à des parties prenantes plus larges. J´ai certainement constaté une augmentation de l'intérêt des investisseurs pour les rapports ESG et cela se réduit naturellement à une exigence de déclaration des sociétés sous-jacentes du portefeuille.

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